Introduction
Les espaces urbains, même les plus anciens, sont définis par plusieurs facteurs : géographique, topographique, culturel, social, architectural, et économique. Montmartre en est un excellent exemple. Quartier de Paris depuis mars 1790, Montmartre abrite aujourd'hui de nombreux immeubles de différentes influences architecturales et une population d'une diversité socioculturelle sans pareil - huit langues y sont parlées. La partie historique de Montmartre s'étend sur une surface d'environ 1 kilomètre et demi au carré. Elle est parsemée d'immeubles petits ou somptueux, entourés d'innombrables escaliers, de portes, et d'allées privées. Les chaussées elles-mêmes témoignent de l'originalité de ce quartier, couvertes d'une couche d'argile pure, de gravier, de pavés en granit qui côtoient le béton d'aujourd'hui et l'asphalte en goudron recyclé. En bref, Montmartre offre de nombreuses opportunités et la possibilité de relever de nombreux défis à une équipe d'artistes, programmeurs, ingénieurs du son et musiciens, ainsi qu'aux infographistes spécialistes de réalité virtuelle, qui entreprennent de restituer une version interactive du quartier en trois dimensions.
Un moyen d'affiner le processus de création est d'imposer au projet une limitation temporelle. Alternative Educational Environments (AEE) propose de recréer cette période particulièrement riche de la vie de Montmartre, période de la "New Negro Renaissance", de "l'Artistic Bohemianism", du "Jazz Age" et de la vie parisienne de l'entre-deux guerres. Au tout début du vingtième siècle, des dizaines de personnalités influentes fréquentaient les rues du quartier. Peintres, chanteurs, danseurs, écrivains et musiciens se côtoyaient dans les cafés, les clubs et la basilique, créant de nouveaux genres riches qui ont bouleversé à la fois les beaux-arts et l'art populaire à travers le monde. Aujourd'hui encore, le travail effectué dans les années 1920-30 à Montmartre continue d'influencer les artistes dans presque toutes les formes d'art, et donc les nouveaux arts graphiques numériques émergents.
L'Alternative Educational Environments (AEE) s'est engagé à réaliser le Projet de Montmartre Virtuel (Virtual Montmartre Project - VMP), sur son réseau de communication appelé ASCEND en association avec des étudiants et des professionnels des médias à travers le monde, ainsi qu'avec les participants au Projet d'Harlem Virtuel (Virtual Harlem Project) - sur l'initiative du Learning Games Initiative, du COLDEX Project et du Virtual Environment Rapid Prototyping Collective.
Récit
En 1925, Anna Julia Cooper remontait la rue Saint-Jacques à vive allure, essayant tant bien que mal d'ignorer cette pénible angoisse qui se formait dans le creux de son estomac. Le vent de mars de Paris soufflait en rafale autour d'elle et pendant un instant Anna en oublia sa soutenance alors qu'elle regardait un papier journal tournoyer et voler dans tous les sens, jusqu'à ce que les pieds d'un épicier corpulent, qui venait juste de sortir de sa boutique, obstruent sa route. Riant sous cape, Anna se souvint où elle se rendait et qui elle allait rencontrer. Alors qu'elle montait les escaliers d'entrée de la Sorbonne, Anna se réprimanda de sa nervosité. Après tout, elle était une femme d'expérience - d'ailleurs, elle approchait la soixantaine - et en savait sûrement plus sur l'esclavage que n'importe qui parmi les membres se son jury. Anna se demandait si les professeurs de la Sorbonne s'adapteraient aussi bien à Raleigh, en Caroline du Nord d'où elle est originaire, qu'elle-même l'avait fait à la Sorbonne ces quelques dernières années. Quel tournant extraordinaire sa vie avait-elle pris jusque-là, se disait-elle. Née esclave, aujourd'hui détentrice d'un doctorat à Paris, spécialiste sur l'esclavage et son évolution. Elle a rencontré tant de personnes et vu tant de choses ! Quand Anna ouvrit la porte de la salle d'examen, elle se demanda, le temps d'un battement de coeur si elle voulait vraiment que d'autres jeunes filles, noires, subissent les épreuves du chemin de l'éducation et fassent un aussi long parcours que le sien. Mais au battement suivant, quand toute la sagesse si difficilement gagnée lui donna la force de sourire à ce groupe d'examinateurs réunis pour l'écouter et la questionner sur des sujets d'ordre historique, elle sut que oui. Et elle sut qu'elle passerait le reste de sa vie à aider de telles filles à devenir des femmes fortes dans le monde.
Concept
Dans "De l'esclavage à La Sorbonne", nous racontons l'histoire d'Anna Julia Cooper, la première femme noire à recevoir un doctorat à l'Université de La Sorbonne. Cooper est notre personnage central car en elle se concentrent les cultures du sud profond de l'Amérique, la côte est urbaine, et la chaleur vibrante de Paris dans les années vingt. Notre projet se rapportera à la période durant laquelle Cooper vécut à Paris, et plus particulièrement à son expérience à La Sorbonne ainsi qu'à Montmartre où elle y passa la majeure partie de son temps. En utilisant des environnements et personnages en trois dimensions dans un contexte interactif et immersif, nous recréerons le chemin emprunté régulièrement par Cooper de son appartement situé à Montmartre aux salles de classe de La Sorbonne situées rue Saint-Jacques. Comme Cooper s'arrêtait souvent en chemin devant maisons et commerces - visitant des amis, chinant dans les librairies ou autres boutiques - ce trajet est un itinéraire idéal pour l'élaboration d'un premier prototype. Non seulement les néophytes auront une idée de ce que peut ressentir un personnage historique, mais aussi ils prendront connaissance de l'aventure d'une des plus grandes figures de l'histoire de La Sorbonne et de Montmartre, ainsi que de l'histoire de la femme - en particulier l'histoire de la femme noire en Amérique. Ces différentes histoires donnent aussi la possibilité aux concepteurs d'AEE de réaliser un second dessein, à savoir, montrer à quel point différents médias peuvent être employés pour raconter une même histoire de différentes manières, mais toujours dans le but de s'intégrer dans un seul contexte éducatif. Conter une histoire de diverses manières est un procédé efficace mais peu utilisé dans le domaine du numérique. C'est efficace car cela permet aux enseignants graphistes de transmettre leur savoir par plusieurs moyens, permettant à différents médias de mettre en valeur les sujets auxquels ils sont les plus adaptés . Cela permet aussi à des étudiants de tous horizons de choisir à leur guise le procédé de recherche qui les attire le plus.
Les recherches ont démontré qu'une fois que le débutant s'est familiarisé avec les contenus par l'un des procédés, il pourra alors aborder plus facilement l'ensemble des autres médias. Il est très peu coutumier de conter des histoires à l'aide de différents concepts interactifs, et ce pour une bonne raison : cela prend beaucoup trop de temps. Conter une histoire dans une telle industrie de pointe est déjà assez compliqué ; la conter sous différentes conceptions et technologies intégrées nécessite une petite armée de concepteurs, programmeurs, et artistes. Pour la plupart des équipes de logiciels éducatifs, une telle complexité est une barrière insurmontable. Pour AEE, un réseau international de concepteurs, d'infographistes, de programmeurs et d'artistes, un tel projet est non seulement réalisable, mais surtout, réalisable sur une durée relativement courte. Le but d'AEE dans le projet "De l'esclavage à La Sorbonne" est de transmettre au visiteur grâce à l'environnement interactif, la force d'une femme, la richesse culturelle des quartiers de Paris qui l'a insufflée, et aussi montrer à quel point géographie et architecture peuvent inspirer curiosité et énergie même dans l'insolite.
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